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  • Photo du rédacteurOlivier_EMOTIONALPINE

L'histoire d'une traversée des Alpes en ski de rando


De la méditerranée au lac Léman, en hiver et sur des skis.


👉 C'est un rêve qui m'habitait depuis quelques années, bien avant ma première traversée des Alpes en skyrunning. Si cette idée peut ressembler à un défi, à un challenge à relever, il n'en est rien. C'est avant tout motivé par un amour inconditionnel pour les Alpes, pour l'immersion et la découverte d'espaces qui nous sont jusqu'alors inconnus. Ce genre d'aventure au long cours qui nous font apprécier le moment présent comme jamais, et qui nous comble toute une vie par son simple souvenir.


départ traversée des alpes à skis, sur la plage de menton
Au départ de la traversée, sur la plage de Menton. De gauche à droite : Lucas, Pablo et moi même.

Pour un tel projet, mieux vaut s'entourer d'amis de confiance. Ce genre d'amis rares avec qui nous acceptons de rester 24h/24 pendant plusieurs semaines, sans douter de l'humeur de chacun. Mais ce n'est pas tout. Pour traverser les Alpes en hiver il faut également que cet ami soit un solide montagnard, apte à l'inconfort (ça va de pair me direz-vous), et doté d'une certaine capacité de réflexion pour que chaque prise de décision ne soit pas influencée par la frustration. En effet, traverser les Alpes occidentales est une chose, le faire dans la tempête pendant 14 jours sur les 18 que compte cette traversée en est une autre.


Ah et j'oubliai : Il faut également que cet ami soit partant et disponible pour un tel projet 🙏


Lucas et moi furent donc le noyau dur de l'équipe. Pablo et son enthousiasme nous accompagnerons les 4 premiers jours avant de reprendre du service à l'hôpital de Marseille. Enfin Jean-Baptiste (notre routeur qui suivra notre progression !), Laura, Jules (aka la Machine) et Manon compterons dans l'aventure, ne serait-ce qu'une journée.


Une aventure qui sent le partage ! Et ça tombe bien, après pas mal de trips et de voyages solo ma motivation est décuplée quand je suis bien entouré.




Les préparatifs : itinéraire et matériel


Le sac avant le départ. 7,5kg dont les vêtements de skis - crampons/piolet - matériel de bivouac et pack sécurité. Une enclume pour un traileur.

Contrairement à sa version estivale avec le GR5, il n'y a pas d'itinéraires types pour traverser les Alpes en hiver. Les conditions nivo-météo étant trop aléatoires pour suivre un itinéraire prédéfini.


Notre 1ere intention était donc de tracer à l'avance les quelques premiers jours et d'improviser au fur et à mesure en fonction des sautes d'humeur de la montagne. Mais rapidement l'ampleur du projet nous a paru trop flou. Avons nous assez de jours ? (Nous disposions de 21 jours maximum, trajet compris) Quel dénivelé est-il envisageable d'encaisser chaque jour ? (et donc comment s'y préparer). Dormirons-nous en bivouac ou exclusivement à l'hôtel ?


🧭 Finalement après avoir écumé le site Camptocamp.org , nous nous décidons à tracer sur les cartes numériques un itinéraire complet. L'itinéraire envisagé est en fait une addition de raids à skis traversant chaque massifs : Mercantour -> Ubaye -> Queyras -> Thabor -> Haute-Maurienne -> Vanoise -> Beaufortin -> Mont-Blanc -> et enfin le Chablais et le lac Léman. Ouf !


Pour autant et comme nous supposions, rien ou presque de cette planification ne sera effectuée. Dès le 3ème jour les éléments se déchaînerons pour nous obliger à nous adapter. Et de l'adaptation, on en aura 🌨



Tout avait pourtant parfaitement commencé...


OK, on va se confesser tout de suite : nous avons pris un bus pour nous transporter de Menton à Tende, à l'extrême sud des Alpes. Il aurait été bien plus beau de tout faire à la force des muscles, mais nous ne disposions que de 3 jours de marge sur notre planification. Quitter la mer à pieds nous aurait donc coûté 2 jours. Un pari un peu risqué compte tenu de l'incertitude des jours à venir.


La première journée sur les skis nous emmène à traverser la bien nommée vallée des Merveilles jusqu'au refuge de Nice. Refuge qui est sencé être non-gardé à cette période mais dont Christophe, le gardien, nous gratifiera de son hospitalité. D'emblée nous sentons que notre projet suscite l'engouement et toute la famille de la montagne est prête à apporter son aide.


Le 2ème jour, pour rejoindre Isola 2000, comptera encore parmi ceux qui étaient planifiés. Puis le ciel s'est chargé et l'aventure a vraiment commencé.



Lucas et Pablo, au matin du 2ème jour. Refuge de Nice

Brouillard et chutes de neiges en quantité... le combo parfait 👌


Evoluer dans la tempête en montagne est envisageable, pourvu qu'on y soit préparé et que l'itinéraire s'y prête. Si le manque (plutôt l'absence devrait-on dire) de visibilité se compense par une bonne lecture de carte et les outils modernes, le risque avalanche dû aux fortes chutes de neiges lui ne peut s'éviter… que par des détours. Et souvent ces détours se traduisent par une journée entière de contournement pour éviter 50 mètres de passage risqué.


Chaque jours vers 16h00 nous cherchons un peu de réseau pour consulter le dernier bulletin avalanche et la météo du lendemain. Dans ces moments-là nous avions rarement des bonnes nouvelles et aussitôt l'objectif était de trouver sur les cartes IGN un passage sûr pour continuer vers le nord. Exercice pas facile à réaliser sur l'écran d'un smartphone !


Et à chaque fois nous y sommes parvenu, au prix de quelques nœuds au cerveau et parfois d'un peu de stop vers l'est ou l'ouest pour trouver un vallon où le relief est plus clément pour évoluer par risque avalanche de 4 sur 5.



Les Alpes du sud. Sans doute les plus belles (mais on aura rien vu) 😢


Les Alpes du sud, bien moins fréquentés que celles du nord ne nous auront pas dévoilé plus de paysages que la vallée des Merveilles. Les Alpes du sud, c'est la montagne à l'état sauvage. Il y existe très peu de stations de skis ou d'axes routiers contrairement aux Alpes du nord.


⚠️ Notre idée en partant du sud était de réaliser les descentes en versant nord. Là où les sous-couches fragiles difficilement détectables (donc dangereuses) du manteau neigeux perdurent plus longtemps. En gros, si une avalanche doit partir sous nos skis, autant que ce soit en phase descendante (Skis non verrouillés et distance entre les skieurs).


L'intérêt en partant du sud était également de profiter d'un enneigement supérieur en nord pour skier à la descente plus bas en altitude que en versant sud. Imaginez si on devait monter skis aux pieds et descendre skis sur le dos... le comble !

Et avec le réchauffement climatique il est fort à parier que cette considération sera de plus en plus prise en compte pour la planification de raids à skis.


Les Alpes du sud, malgré leur précipitations sous forme de neige plus faibles que leur voisines au nord, profitent de fonds de vallée bien plus haut comparativement au nord.

Par exemple, si la limite d'enneigement est à 1700m d'altitude et le fond de vallée à 1600m comme c'est souvent le cas alors ça ne fait que 100m de dénivelé avant de chausser les skis. A titre de comparaison les points bas dans les Alpes du nord tournent autour des 1000m d'altitude.




Et sans plus y croire, le lac Léman s'est rapproché


La perturbation qui a touchée les Alpes lors de notre passage a été telle que l'Italie n'avait pas vu autant de neige ces dix dernières années. Pour nous cela s'est traduit par une accumulation de changements de plans. Constamment nous renoncions au plan A, puis au plan B et ainsi de suite jusqu'à cocher (ou presque) toutes les lettres de l'alphabet. Il nous fallait rester focus sur la planification de l'étape du lendemain, sans penser aux jours suivants. Sous peine de perdre espoir ❄️


Et finalement, la Vanoise s'est retrouvée derrière nous. Le Mont-Blanc nous a apparu lors d'une rare journée ensoleillée et nous avons pu traverser ses glaciers accompagnés par Jean-Baptiste et Laura, qui nous ont rejoints à l'occasion, avec un peu de matériel d'alpinisme. Les retrouvailles avec les amis restent les moments forts de cette aventure.


Une journée de repos était prévue à Chamonix, mais comme à son habitude la météo nous a fait revoir nos plans. Dès 10h00 le lendemain des chutes de neiges en quantité étaient annoncées. Le passage envisagé pour arriver dans le massif des Fiz était une énième "adaptation nivologique", et cette seule option "safe" à des kilomètres deviendrait vite inenvisageable passé la mi-journée.


Nous remettons donc à plus tard cette journée de repos en compagnie de nos amis et continuons notre trace vers le nord.



L'inattendu, jusqu'au bout de la dernière descente


Malgré le brouillard dont nous avions l'habitude désormais, le Chablais fût un massif facile à traverser. Le relief offre une multitude d'options, les vallées deviennent moins encaissées… Et puis la présence des amis comme Jules ou Manon nous a évidement motivée.


En quittant Morzine, puis la Chapelle d'Abondance le lendemain, nous avions la certitude d'arriver au lac, et de pouvoir y déposer le petit caillou récupéré sur la plage de Menton. Cette dernière journée fut pleine d'émotions, un rêve était en train de s'accomplir. Il y a 10 ans lors de mes premiers chasse-neiges, je n'aurai pas osé ne serait-ce que penser que ce type d'aventure à skis étaient pour moi. Trop élitiste, trop "un autre monde", trop de connaissances à acquérir. Repenser à tout ça me fait réaliser le chemin parcouru, et une douce ambiance nous accompagne pour le dernier col à gravir avant d'apercevoir le lac Léman.


Nous prenons le temps de faire un appel en visio à Pablo qui a commencé cette aventure avec nous et qui aurait bien voulu être là. À J-B également qui a suivi notre progression jour après jour sur les cartes des Alpes.


Et puis à peine plus loin après cet appel le vent nous a surpris. Un vent fort, qui vous couche presque et qui souffle vers notre descente. Et sous les skis une neige ultra-dure, presque glacée. Signe de l'érosion causée par le vent. Et le fruit de cette érosion devait être déposée entre nous et le lac. Nul besoin de parler plus que nécessaire, nous savions Lucas et moi que cela signifiait devoir skier un manteau neigeux complètement piégeux. De points sûrs en points sûrs nous descendons chacun notre tour. Chacun étant vigilant sur la trajectoire de l'autre.


Et la plaque est partie. Pas énorme. Mais de quoi faire peur. Et plus de peur que de mal. L'ambiance légère du début de journée avait complétement disparue.

Après avoir traversé les Alpes dans la tempête, par un risque avalanche souvent à 4/5 il a fallut que nous déclenchions une plaque par risque limité, à 1700m d'altitude.


On s'est plié aux règles de la montagne pendant les 14 jours de tempête, sans jamais renoncer. Mais quelles que soient nos connaissances de la montagne et notre soumission à ses caprices c'est, sans surprise, bien elle qui décide.



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